1. La mission de l’architecte d’intérieur.
L’architecte d’intérieur a pour mission d’optimiser les espaces intérieurs en les distribuant de manière fonctionnelle et harmonieuse.
Il travaille notamment sur les volumes, la lumière, le mobilier, les matières, les matériaux.
Il veille également à obtenir un résultat particulièrement esthétique, notamment s’il lui est confié une mission de décorateur / design intérieur.
Il est tenu de respecter les règlementations applicables, les impératifs techniques et l’enveloppe budgétaire de son client.
Il peut concevoir, coordonner et suivre l’exécution des travaux d'aménagement intérieur.
2. L’architecte d’intérieur est un constructeur.
L’architecte d’intérieur est lié au maître d’ouvrage (celui qui commande les travaux) par un « contrat de louage d'ouvrage ». Il est donc « constructeur » aux yeux de la Loi (articles 1792 à 1792-7 du Code Civil)– même s’il ne s’occupe que de l’aménagement intérieur des espaces.
Il répond en conséquence de la même responsabilité que tous les autres constructeurs participant à la réalisation du chantier.
Sa responsabilité peut ainsi être recherchée au titre de la garantie décennale et la garantie biennale prévues par la Loi (articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du Code Civil) :
- La garantie décennale : il s’agit de la garantie couvrant les risques majeurs de la construction.
Une atteinte à la solidité de l’ouvrage : un tassement de fondation, une fissure traversante dans le gros-œuvre,
Une impropriété à destination de l’ouvrage : il s’agit des désordres d’une gravité telle que l’ouvrage n’est plus habitable. Par exemple, des infiltrations provenant d’un défaut d’étanchéité de la toiture d’une maison, une insuffisance de ventilation ou de chauffage, ou encore, un écrasement d’un conduit d’évacuation des eaux usées,
Un risque pour la sécurité des personnes : cela peut concerner des défauts de réalisation de garde-corps de balcons ou un défaut de planéité du sol créant un risque de chute.
- La garantie biennale de bon fonctionnement des éléments d’équipement : il s’agit de la garantie couvrant le dysfonctionnement des éléments d’équipement dissociables de la structure de l’immeuble, apparus dans les deux années suivants la réception.
On entend par élément dissociable celui dont la dépose, le démontage ou le remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière à l’ouvrage dans lequel il est incorporé.
Relève de cette garantie le dysfonctionnement d’une chaudière, d’une alarme incendie ou encore, des panneaux photovoltaïques de production électrique.
L’architecte d’intérieur a ainsi la même responsabilité qu’un architecte ou un maître d’œuvre, même si son métier est différent.
Les architectes d’intérieur – en leur qualité de locateur d’ouvrage - sont obligés de souscrire une assurance couvrant le risque relevant de la garantie décennale (article L.241-1 du Code des Assurances).
Le défaut de souscription de cette assurance obligatoire est une infraction pénale, l’architecte d’intérieur non assuré peut être l’objet d’une condamnation au paiement d’une amende de 75.000 € d’amende et 6 mois d’emprisonnement (article L.243-3 du Code des Assurances).
3. L’architecte d’intérieur n’engage sa responsabilité que dans la limite de la mission qui lui a été confiée, laquelle concerne l’aménagement intérieur des espaces.
La Cour de Cassation a ainsi jugé qu’il ne pouvait être reproché à un architecte d’intérieur de ne pas avoir vérifié la nature du sol car sa mission s’était limitée à une estimation prévisionnelle du coût des travaux de rénovation d'un bâtiment existant, sans conception du projet ni établissement du permis de construire (Cass. 3e civ., 17 mars 2004, n° 02-18.110).
Dans cette affaire, un couple et une SCI avaient acheté un Manoir en Bretagne et fait estimer les travaux de remise en état, avant la vente, par un architecte d’intérieur. Une fois la vente signée avec une enveloppe budgétaire pour les travaux, les acheteurs avaient découvert, après avoir fait réaliser des études approfondies de la bâtisse, qu’il fallait reprendre en sous-œuvre la totalité des structures pour réaliser les travaux de rénovation du Manoir tels qu’ils les avaient imaginés.
Ils ont engagé un procès notamment contre l’architecte d’intérieur qui les avait accompagnés lors de la vente, au titre de l’erreur d’estimation du coût des travaux.
Les acheteurs ont perdu leur procès car la Cour d’Appel puis la Cour de Cassation ont considéré que l’architecte d’intérieur, dans la limite de sa mission, n’avait pas pu voir qu’il faudrait reprendre toutes les structures pour rénover la bâtisse, puisque seules des études de sol et des études structure approfondies l’ont révélé, études qui n’avaient pas été confiées à l’architecte, et avaient été réalisées après la vente.
Dans une autre affaire, la Cour de Cassation a considéré que l’architecte d’intérieur était responsable de dommages affectant la structure du bâti même si sa mission ne concernait que l’aménagement intérieur des espaces. L’architecte d’intérieur avait conçu un projet de transformation d’un appartement et ne s’était préoccupé que de l’esthétisme du résultat, sans se soucier du gros-œuvre, or, les travaux avaient endommagé la structure de l’immeuble. (Cass. 3e civ., 8 nov. 1976, n° 75-11.143).
4. Le décorateur ou « home designer » n’est pas un constructeur.
La situation est différente pour un décorateur ou une personne missionnée pour le seul design intérieur. Quelle est la différence entre ces métiers ?
Le décorateur n’est pas tenu de justifier de diplôme pour exercer cette activité.
Il a pour mission de conseiller son client sur l’harmonie de l’agencement intérieur, des couleurs, des matières etc.
Son travail permet également de donner du cachet à votre intérieur.
Le décorateur ne supervise toutefois pas la réalisation des travaux sur le plan technique, il n’est pas maître d’œuvre.
Les Tribunaux considèrent que les décorateurs ne sont pas « constructeurs ». Ils ne sont donc pas tenus aux garanties décennale et biennale fixées par la Loi ni obligés de souscrire une assurance couvrant ces garanties obligatoires– toutefois, cela est fortement conseillé car le risque se trouve souvent là où on ne l’imagine pas.
Dans le cadre d’un dossier pour lequel je défendais un constructeur dont la responsabilité était recherchée pour des départs de feu dans les plénums des salles de bain et espaces détente d’un hôtel / SPA - qui auraient pu évoluer en incendie à très court terme, le problème ayant été prix à temps, heureusement - une expertise judiciaire avait révélé que ces départs de feu résultaient de l’échauffement des ampoules halogènes.
Or, les ampoules halogènes avaient été imposées par la décoratrice d’intérieur, malgré les réserves écrites de l’électricien.
La décoratrice en question n’était pas assurée, considérant que son métier ne touchait qu’à « l’esthétique » et non à la structure.
Malgré ce défaut d’assurance, ce dossier s’est terminé par un accord amiable entre les parties.
Vérifiez donc bien que tous les professionnels auxquels vous faites appels sont assurés pour les dommages causés en cours de chantier et après achèvement des travaux, même s’ils sont simplement décorateurs.
Le décorateur peut ne souscrire qu’une assurance couvrant sa responsabilité civile (et non sa décennale) mais cette assurance n’étant pas obligatoire, l’assureur peut limiter la prise en charge des dommages au plafond de garantie prévu à la police d’assurance (parfois, le plafond est de 100.000 €, ce qui est largement insuffisant pour couvrir les conséquences d’un incendie).
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